Dans le cadre d’un recrutement, la recherche d’informations sur un prétentant à un emploi peut s’avérer indispensable à la pérennité de l’entreprise. En effet, si la bonne foi du demandeur d’emploi est a priori acquise, certains emplois stratégiques, impliquant des degrés de responsabilités élevés, n’excluent pas le contrôle des informations fournies.

Ainsi, afin de s’assurer d’un recrutement réussi, il n’est pas irréaliste de vérifier le parcours professionnnel du prétentant au poste : réalité des diplômes obtenus, réalité des postes et des fonctions occupées, motifs réels des licenciements (vols, abus de biens sociaux…etc). Tout comme, il peut s’avérer sage de connaître le contexte professsionnel dans lequel évoluait le postulant (problèmes de management, cas de harcèlements, faits de concurrence déloyale…).

Autant d’informations qui peuvent s’avérer vitales dans la bonne gestion d’une équipe et dans le fonctionnement pur et simple de l’entreprise. Toutefois, il est à noter que dans une actualité brûlante, où d’anciens fonctionnaires de l’Etat usent encore de prérogatives perdues et transgressent allègrement les lois (affaire IKEA, EDF c/ Greepeace…etc), la recherche de renseignements sur un tiers, qui plus est un salarié, obéit à une méthodologie rigoureuse, une fine connaissance de la législation en vigueur et de la jurisprudence en la matière.

Le site pourseformer.com consacre ainsi un article sur « Les détectives privés dans le marché du recrutement ». Vous trouverez ci-dessous le contenu de l’article, où notre confrère Thomas CARILLON, du cabinet Helios Investigations & Stratégies, membre du Groupe Indicia, a pu présenter sa vision de la profession sur ce type d’enquête.

De la vérification de CV à l’enquête de moralité… dans quelle mesure les entreprises peuvent-elles avoir recours aux services de détectives privés pour mener des enquêtes de pré-embauche ? Ces pratiques, fortement encadrées par la loi, sont à utiliser avec précaution. Certains franchissent pourtant la ligne jaune…

Enquête.

Recourir à un détective privé pour recruter ? L’idée peut paraître saugrenue, voire décalée. Or, certaines entreprises n’hésitent pas à faire appel aux services des détectives privés (ou agents de recherches privées) pour débusquer les CV truqués dans le cadre d’une enquête de pré-embauche. Ainsi en France, près de 1.000 professionnels officieraient dans ce domaine, selon le SNARP (Syndicat national des agents de recherche privée).

“Notre mission consiste à vérifier l’authenticité du parcours professionnel du candidat, explique Emmanuel Magne, gérant d’Investipole, à Lyon (69). De fait, la moitié des CV comportent des anomalies.” Un chiffre qui englobe évidemment toutes les imperfections recensées : “Les principales erreurs concernent les fausses expériences à l’étranger, les rémunérations gonflées, les responsabilités exagérées ou encore les périodes de chômage maquillées en activité…”, ajoute-t-il.

Une pratique encore peu développée

Sur un marché de l’emploi particulièrement frileux, les postulants n’hésitent pas, en effet, à “améliorer” leur CV quand il s’agit de se vendre. 75 % des curriculum vitae sont concernés, selon le cabinet Florian Mantione Institut. Un constat qui pousse certains dirigeants, directeurs de ressources humaines, voire chasseurs de têtes suspicieux à franchir le pas pour valider le passé de certains candidats, en particulier pour les profils stratégiques, cadres dirigeants, responsables financiers et commerciaux.

“Contrairement aux États-Unis, à l’Allemagne et à la Suisse, ce genre de pratiques n’est pas très développé en France, estime Thomas Carillon, directeur de l’agence Helios Investigations & Stratégies, implantée à Nîmes (30) et Montpellier (34). Dans ces pays, la vérification est quasi-systématique.”

Les entreprises françaises compteraient, elles, sur l’entretien d’embauche pour repérer les éventuelles tromperies. Chez Investipole, l’enquête de pré-embauche représente ainsi seulement 2 % de l’activité. Chez Hélios Investigations & Stratégies, 5 % : la plupart des missions se concentrant sur les fraudes, le contre-espionnage industriel, la concurrence déloyale ou les pratiques anticoncurrentielles.

Les détectives sont pourtant convaincus de l’efficacité de leurs interventions. “Il y a quelque temps, une entreprise française a fait appel à nos services car elle avait des doutes sur le parcours d’un candidat pour un poste de directeur commercial, poursuit Thomas Carillon. Le postulant avait enchaîné de nombreuses expériences de très courte durée.
Or, en fouillant dans son passé, nous nous sommes rendu compte que plusieurs plaintes pour harcèlement sexuel avaient été déposées à son encontre.” Ce type de procédure judiciaire peut, en effet, se révéler “préjudiciable pour l’entreprise en termes d’images, de management et de chiffre d’affaires”.

La vérification des diplômes obtenus à l’étranger est un autre exemple de mission confiée à ces agences. “Les entreprises sont parfois perdues”, explique Thomas Carillon. Coût de la recherche : de 1.000 à 2.000 € selon les agences et les missions.

Avancer à visage découvert

Ces pratiques sont, toutefois, fortement controversées, notamment de la part des cabinets de recrutement. D’ailleurs, Florian Mantione, directeur du cabinet éponyme précise : “Ma priorité est d’instaurer une relation de confiance avec le candidat. L’entretien permet de valider certains points obscurs du curriculum. De même, je demande les références des derniers employeurs, ainsi que les trois derniers bulletins de salaire du candidat, y compris celui de décembre qui indique le total des rémunérations, car 81 % des candidats mentent sur leurs rémunérations. Mais tout est fait dans la transparence.”

Fouiller dans la vie des candidats “est totalement contraire à la déontologie”, affirme Alain Gavand, directeur d’Alain Gavand Consultants, qui réfute également ce genre de méthodes. Il est d’ailleurs à l’origine de la charte “réseaux sociaux, Internet, vie privée et recrutement”, signé en 2009, visant à sensibiliser les recruteurs aux risques de dérapage dans l’utilisation des réseaux sociaux et d’Internet dans le recrutement. Pas question donc pour lui de “googliser” les candidats – en l’occurrence interroger Google sur leur nom et prénom – ou de consulter leurs éventuelles pages Facebook ou Copains d’avant. Les avocats, ensuite, restent sur leur garde (lire encadré ci-dessous “Que dit la CNIL ?”).

Certes, conscients des risques du métier, les agents de recherches privées affirment agir dans le strict respect des règles : “La profession est très encadrée, rassure Arnaud Lepelletier, directeur de l’agence Leprivé, à Enghien-les-Bains (95). Il ne faut pas tomber dans le voyeurisme, ni l’atteinte à la vie privée.” Qui plus est, le candidat doit être informé, en amont, des investigations. La recherche d’informations passe notamment par le Net, en particulier sur les réseaux sociaux ; les registres prud’homaux, les articles de presse, ou encore les contacts avec les anciens collègues.

Des abus manifestes

Les agents peuvent même avancer à visage découvert en se présentant comme enquêteur, mandaté par l’entreprise qui cherche à recruter. “Nous appelons le DRH en lui posant une simple question : est-ce que vous réemploieriez la personne ? indique Emmanuel Magne. Cette demande lui paraît légitime car il se trouve également en position de recruteur. Notre métier n’est pas de savoir si la personne va à la messe ou si elle trompe ou pas sa femme, précise-t-il. Mais plutôt les motifs de départ de son ancienne entreprise ou les éventuelles procédures prud’homales à son encontre.”

Toutefois, la tentation est grande de franchir la ligne jaune pour tout vérifier… y compris ce qui relève de la vie privée. Car parfois les moyens débordent largement du cadre légal : contacts avec l’administration fiscale, police, banque, renseignements généraux… en se procurant le casier judiciaire, par exemple. Ou encore en utilisant la bonne vieille méthode des filatures. Élodie Bance*, détective privée au sein du cabinet Bance & Associés, à Enghien-les-Bains (95) n’hésite pas, en effet, dans une interview accordée à Cadremploi, le 11 avril dernier, à lever le voile sur ce type d’investigation. “Je dis tout ce que je vois, raconte-t-elle. C’est pour cela que je suis mandatée et payée.” Les arrêts au bois de Boulogne, la visite chez une entreprise concurrence, la pause “joint” sur un parking ou encore une empoignade dans un bar ? “Je rapporte tous les faits auxquels j’ai assisté, poursuit-elle. Un employeur a besoin de savoir qu’un employé réalise bien les tâches pour lesquelles il est payé.”

Seule limite : la filature en dehors des heures de bureau car il s’agit, selon la détective, “d’atteinte à la vie privée”. Cet excès d’espionnite est sévèrement critiqué. “Un détective n’a pas à rapporter une halte chez une prostituée, voire une altercation avec un garçon de café. C’est parfaitement illégal : il s’agit de faits de la vie privée, et ce quelle que soit l’heure de la filature”, note Nicolas Sauvage, avocat associé en droit social du cabinet Reed Smith.

Les informations recueillies doivent, en fait “respecter un principe de pertinence par rapport à l’emploi sollicité”, selon cet avocat. Ainsi, un employeur peut, pour un recrutement de chauffeur-livreur, demander au candidat la copie de son permis poids lourd ou, à défaut, vérifier dans le fichier des permis poids lourd. Le dirigeant d’une banque, d’une entreprise de sécurité, voire d’une étude notariale a également droit de demander aux candidats l’extrait de leur casier judiciaire.

Seules exceptions : les entreprises agréées secret défense (aéronautique, nucléaire, par exemple) peuvent, elles, s’assurer de la bonne réputation d’un postulant en diligentant une enquête de moralité : “elles peuvent ainsi chercher à savoir si le candidat n’abuse pas de stupéfiants ou ne commet pas des actes que la morale réprouve, ajoute Nicolas Sauvage. Ce type d’enquête est réalisé par les renseignements généraux. Mais en aucun cas, une entreprise privée ne peut recourir à ce type de procédé”. Une fois intégré dans l’entreprise, le candidat est cependant relativement protégé. Si un employeur découvre un “pot aux roses”, ce n’est pas un motif de licenciement. La jurisprudence de la Cour de cassation a toujours soutenu les salariés impliqués dans ce genre de cas.

“La fourniture de renseignements inexacts par le salarié lors de l’embauche ne constitue une faute susceptible de justifier le licenciement que s’il est avéré que le salarié n’avait pas les compétences effectives pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté.” Seules les manœuvres frauduleuses (absence d’un diplôme pour une profession réglementée, par exemple) peuvent entraîner l’annulation du contrat de travail. Reste qu’il n’est jamais conseillé de mentir…

Que dit la CNIL ?

Les principes édictés par la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) comprennent trois règles fondamentales : tout d’abord, le salarié ne peut être surveillé à son insu ; ensuite, les moyens de surveillance doivent être proportionnels à la finalité recherchée. Et enfin, “le comité d’entreprise – et la CNIL si les données personnelles sont conservées – doivent être informés de toute mise en place d’un tel outil, assure Deborah David, avocate chez Jeantet Associés. Ceux qui enfreignent la législation sur la protection des données risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 300.000 € d’amende.” Des dispositions sur lesquelles peuvent aussi s’appuyer les avocats.

Source : pourseformer. fr sélectionné par Helios Investigations & Stratégies